POURQUOI PARLER DE LA MORT AUJOURD’HUI ?

Omniprésente à chaque coin de rue, sur Internet, dans les jeux vidéo, les programmes télévisés, les journaux à sensations (ou pas), dans ce qu’elle a de plus « funèbre » ou spectaculaire, jamais la mort, la vraie, comme celle d’un proche par exemple, n’est apparue si obscène et si déstabilisante lorsqu’elle est bien réelle. Dans une société où elle est mise à distance, dématérialisée pour ainsi dire (on meurt à l’hôpital ou en maison de retraite), on regarde la mort par le bout de la lorgnette ou de l’écran. Mais lorsqu’elle surgit au détour de la vie, c’est une autre histoire qui commence…

« La mort en troisième personne est la mort-en-général, la mort abstraite et anonyme (c’est la mort du « on »). A la première personne, la mort est assurément source d’angoisse. En première personne, la mort est un mystère qui me concerne intimement et dans mon tout, c’est-à-dire dans mon néant (la mort du « je »). Il y a le cas intermédiaire et privilégié de la deuxième personne; entre la mort d’autrui, qui est lointaine et indifférente, et la mort-propre de notre être, il y a proximité de la mort du proche » (c’est la mort du « tu ») .[1]

Dans chaque civilisation, la mise en scène des rites funéraires est un facteur déterminant de cohésion sociale. Si, à l’heure actuelle, nous construisons notre Histoire sur les vestiges de civilisations disparues, c’est en grande partie grâce à l’Art funéraire qui nous en rend compte à posteriori. De nos jours, alors que la mort est davantage taboue qu’hier, le profond désarroi qui apparaît lors de l’organisation d’une cérémonie commémorative est le signe évident d’une déliquescence sociale que la disparition rapide de la pensée religieuse a brutalement accélérée. Il est urgent que l’Art, sous toutes ses formes, réinvestisse le champ des rites funéraires, pour rendre ce moment moins douloureux ou plus festif, et réinventer – pourquoi pas – une spiritualité laïque .[2]

C’est dans cette double perspective, d’interroger la société et chacun d’entre nous sur le sens à redonner aux rites funéraires aujourd’hui, que s’inscrit l’IPI.
Elsa Mingosh

 

 

 

[1] Jankélévitch et son approche « grammaticale » de la mort
[1] André Comte-Sponville. L’Esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu.